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L'eau, un bien commun

L'eau en nord Côte d'Or

http://bien-vivre-a-la-campagne.over-blog.com/article-la-qualite-de-votre-eau-au-robinet-en-2013-en-nord-cote-d-or-124575688.html


Intervention de J.P.Debourdeau du Collectif Eau Côte d'or

à la rencontre Nuit Debout-Gauche Alternative de Quetigny le 3 juin 2016.

1. "Le whisky, c'est pour boire, l'eau pour se battre". Il y avait un pays où l'eau était gratuite : l'Irlande. Récemment le gouvernement a voulu revenir sur cet acquis, de grandes luttes se sont déclenchées qui ont conduit à un renforcement politique important de l'opposition, en particulier du Sinn Fein qui s'était mobilisé contre la facturation sur le modèle des luttes victorieuses en Grande-Bretagne contre la poll-taxe, avec refus massif de payer.

En France, récemment, la commune de Roquevaire (Bouches-du-Rhône), 8 693 habitants,  a décidé de facturer l'eau à une somme symbolique d' 1 € annuel pour 30 m3 (la quantité d'eau jugée vitale pour un foyer), la gratuité étant légalement interdite. Mais avec la loi Le Notre, l'alignement sur la nouvelle métropole Aix-Marseille  va remettre en cause cette décision en 2020.

Nous publions en annexe le plaidoyer pour la gratuité de Ricardo Petrella.

2. Dans l'immédiat

- Nous avons commencé, toute affaire cessante à lutter contre les coupures d'eau   effectuées contre des usagers en difficulté de paiement. Coupures maintenant interdites par la loi Brottes du 15 avril 2013. Des procès engagés contre les trois soeurs: Véolia, Suez et la Saur ont été gagnés. On a poursuivi l'avantage en empêchant les lentillages (réductions de débit) effectués en compensation.
La résolution de l'ONU reconnaissant le droit à l'eau, et à une eau potable,  comme un droit humain fondamental, acquise grâce notamment aux efforts du gouvernement bolivien issu de la grande lutte de Cochabamba contre une multinationale de l'eau qui a plié bagage, est un point d'appui important.

- L'étape suivante peut être celle d' obtenir une tarification sociale juste, c'est-à-dire qui ne stigmatise pas les bénéficiaires en les discriminant, ni ne fasse pas porter le coût sur les usagers non bénéficiaires. Des aides existent déjà et des expérimentations sont en cours, Dijon est une des villes-tests mais les principes précédents ne sont pas appliqués. Pour nous cela passe par :
a) la gratuité des premiers m3 pour toutes et tous, acquis dans un certain nombre de communes
b) la suppression de la part fixe (l'abonnement) qui une part importante de la facture de l'usager domestique.
c) Une proportionnalité réelle  liant le niveau de la facture à celui de la consommation, sans gratuité, dégrèvement ou prix d'ami inversement proportionnel à la consommation, comme actuellement, pour les plus gros consommateurs, trés souvent, gros gaspilleurs et gros pollueurs (cf. par exemple les 120 captages fermés en Côte d'or).

3. Ces mesures seraient évidemment facilitées, il est même permis de penser que ce n'est pas loin d'en être une condition,  si l'eau redevenait régie publique sous forme municipale ou coopérative de type SCIC, là où elle ne l'est pas. Ces dernières années 300 communes (dont 80 villes de plus de 10 000 habitants et Paris!) ont changé dans ce sens. Selon le principe "l'eau paie l'eau", l'eau ne paierait plus que l'eau ! Cela permettrait d'abord de récupérer la partie du coût qui est la part des actionnaires dans le cas de délégation de service public, et donc de baisser ce coût autant que d'assurer un meilleur service de maintien des installations en état ou/et de leur modernisation, une accélération des remplacements de canalisation (en plomb par exemple), de prévention des fuites, etc ; et de baisser la facture de l'usager si la décision politique, souhaitable, de gratuité pour l'usage domestique n'est pas prise.  La mise sur pied d'un service public national de l'eau permettrait une mutualisation/péréquation des coûts, aujourd'hui trés différenciés compte tenu des particularités locales d'accés à l'eau et de son traitement,   et l'aide aux communes, tandis que sa décentralisation locale au plus prés de l'usager permettrait contrôle et gestion citoyenne. Nul doute que pourrait être envisagée encore plus facilement la gratuité dans ce cadre. Notons déjà que la seule menace de rompre les contrats avec les firmes lors des échéances de renouvellement de ceux-ci a amené plusieurs cas de réductions considérables du prix du m3. jusqu'à plus de 40% dans certains cas.
 
 Et pourquoi ne pas envisager une campagne pour un referendum sur la gestion locale de l'eau (Echéance de fin de contrat avec Suez à Dijon en 2021, bilan intérimaire du contrat à mi-course : 2016) ? sur la gratuité ? ou au moins en propager l'idée, montrer que c'est possible.

 

Instaurer la gratuité car le droit à la vie n’est pas monnayable

 par Riccardo Petrella, président de l’Institut européen de recherche sur la politique de l’eau


Il faut abandonner les choix opérés depuis les années 1970 par les classes dirigeantes mondiales en matière de droits humains et de citoyenneté. Les années 1970 marquent un grand tournant dans la conception économique des droits humains. Les nouvelles « Tables de la Loi », à l’aune de la globalisation marchande, s’imposent : libéralisation,dérégulation , privatisation et financiarisation de tout bien et services essentiels pour la vie ont balayé l’état des droits et démantelé l’état du welfare. Tout a été réduit à marchandise et utilities. En 1992 à Dublin, puis la même année au premier Sommet mondial de la Terre, à Rio de Janeiro, la communauté internationale a affirmé, pour la première fois dans son histoire, que l’eau n’est pas un bien social, collectif, patrimoine public de l’humanité, mais un bien économique soumis à rivalité et à exclusion et, comme tel, aux mécanismes de marché concurrentiels. La valeur de l’eau, a-t-on soutenu, se définit par et dans l’échange marchand, au prix dumarché. En dehors de l’échange, l’eau n’a pas de valeur. Son prix doit être établi sur la base du principe, propre à l’économie capitaliste marchande, de la récupération des coûts totaux, y compris la rémunération du capital investi (profit).
Dès lors, les groupes dominants ont établi que, pour être efficace, efficiente et économique, la gestion des services hydriques doit être confiée aux opérateurs privés, seuls, a-t-on considéré, capables d’utiliser les ressources financières et les technologies avancées pour améliorer la productivité et la qualité des services dans l’intérêt, en particulier, de tous les stakeholders (porteurs d’intérêt). Ces principes et axiomes ont été popularisés dès 1993 par la Banque mondiale, par sa bible la Gestion intégrée des ressources d’eau-Gire. Ils sont devenus les pierres fondatrices de nombreuses lois nationales, y compris la directive cadre européenne de l’eau de l’Union européenne en 2000. Depuis, l’obligation du paiement d’un prix abordable par l’utilisateur-consommateur est l’axe central de toute politique de l’eau accepté à travers le monde par toutes les formations politiques de droite, du centre, de la gauche. Ont fait et font exception quelques pays de l’Amérique latine qui furent les promoteurs de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, approuvée le 28 juillet 2010, reconnaissant que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain. La résolution a été approuvée le 28 juillet 2010, malgré la forte opposition d’une quarantaine de pays du Nord, dont 11 pays européens.
À l’heure actuelle, il n’y a pas d’accès à l’eau, dans la quantité et la qualité requises (50 litres par jour, par personne), sans paiement de la facture d’eau. Pas de paiement, pas d’eau. Le marché ne reconnaît pas les droits humains, sauf ceux du droit de propriété privée et de la liberté de commerce. Selon une étude publiée en février 2016 par la revue Science, on estime que quatre milliards d’êtres humains vivent dans un état de carence grave d’accès à l’eau et que seule une minorité d’entre eux le doivent au fait d’habiter dans des régions arides ou semi-arides. Face à une telle négation/privation de nature sociétale du droit à l’eau (par définition universel, indivisible et imprescriptible), des mesures ont été prises en faveur des pauvres et des familles en difficulté économique telles que la facturation sociale et les allégements concernant les modalités de paiement.
Il s’agit de mesures inadéquates et mystificatrices car elles maintiennent intact le principe de l’obligation de paiement et transforment le principe du droit en des outils d’assistance/aide sociale en faveur des pauvres. Or, le droit à l’eau n’est pas une question de compassion ou de générosité de la part de l’État envers les personnes appauvries et privées de l’accès à l’eau par la société elle-même. Il ne s’agit pas non plus d’un prix au mérite accordé aux riches parce qu’ils savent prendre en charge les coûts de l’accès à l’eau. Pour eux, ils paient l’eau potable et l’assainissement comme ils paient tout autre service marchand ! Le droit humain à l’eau est aliéné à de telles diversités de traitement entre les êtres humains.
La vraie mesure juste, à tous points de vue, est la mise en place d’un véritable système de gratuité financée en commun par les citoyens via une fiscalité juste (re)distributive.
Or, les classes dominantes n’acceptent plus de payer les taxes. C’est pour cela qu’elles refusent de considérer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement en tant que droit se traduisant nécessairement par l’obligation pour l’État de garantir tous les moyens et les conditions indispensables, finances incluses, pour la concrétisation effective du droit pour tous dans la justice. Pour eux, c’est un besoin comme tout autre besoin, à savoir subjectif, variable, modulable en fonction du pouvoir d’achat. Cela est inacceptable car l’accès à l’eau n’est pas une question de préférences au niveau de la consommation. Sans l’accès à 50 litres par jour, par personne, les individus et les communautés humaines vivent mal, sont en danger. Personne ne peut choisir de ne pas boire ou de ne pas respecter des principes d’hygiène de base.
Pourquoi le principe du financement par la fiscalité générale et spécifique est-il accepté par tous les Français concernant le financement des coûts de la défense française – pour couvrir, par exemple, ceux du porte-avions Charles-de-Gaulle – et non pas pour le droit à l’eau ?
Le droit à la vie pour tous serait-il moins important que de permettre aux Rafale français de bombarder la Libye ? Pourquoi les contraintes budgétaires adoptées aussi au niveau européen ne s’appliquent-elles pas aux dépenses militaires, mais seulement aux dépenses publiques sociales ?
La solution au problème n’est pas dans des subterfuges techno-procéduraux au niveau du prix abordable et de son paiement, mais dans l’élimination du principe du prix et dans la remise du gouvernement de l’eau sous la responsabilité directe des collectivités humaines organisées démocratiquement et décentralisées. Au-delà de l’utilisation des 50 litres par jour, par personne, on devra instaurer une gestion financière inspirée du principe du bien-être collectif et des exigences environnementales (jusqu’à 250 litres par jour, par personne) et puis de la sauvegarde de la régénération du capital biotique d’eau renouvelable (interdiction d’utiliser plus de 250 litres d’eau potable par jour et par personne).
Il faut sortir l’eau de l’asservissement au principe du prix. Il est urgent d’abandonner l’imposition faite par les dominants d’accepter que le droit à la vie soit monnayable.
(L'Humanité. 15 juin 2016)

 

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